L'arrivée de Yatarô (suite)

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Le jeune bushi, son lourd paquetage toujours maintenu par son front sur son dos, pénètre dans la cours de la maison du Clan Asahikawa.
Il avise deux hommes qui gardent la porte d’entrée de la demeure.
Il s’approche d’un pas alerte.
Il les salue respectueusement chacun leur tour, malgré son fardeau, d’un léger mouvement de la tête bien contrôlé, réservé à des personnes que l’on rencontre pour la première fois et dont on ignore le rang.
Puis il se présente cérémonieusement :

- Je suis Mouri Yatarô, fils de Mouri Hidemoto, daïmyo de la province de Nagato. Je viens à la demande de mon père, en signe de son respect, me mettre au service du maître du Clan Asahikawa. Je vous prie de m’introduire.

Il les salue à nouveau, chacun leur tour, comme si il n’avait rien d’attaché au front.
Puis il croise les bras sur la poitrine, prenant une posture inflexible.
Il attend.

Le Bushi te regarde de haut. Il pouffe.

"Fils ou pas fils de quelqu'un, tu crois que tu es assez grand pour rentrer dans le clan d'Asahikawa ?"

Yatarô penche la tête et plisse les yeux.
Il défait le noeud qui maintient son paquet sur son front et le dépose délicatement sur le sol comme s'il s'agissait d'une chose fragile.
Il se redresse pour faire face et d'un ton méprisant aux accents de défi, il lance :

- Je suis triste pour tes parents qu'ils n'aient pas eu le fils poli qu'ils auraient voulu.

A la vitesse d'un éclair qui déchire le ciel de la nuit, le jeune bushi porte sa main à la garde de son katana. La lame Masatoshi jaillit comme un serpent et se jette selon un laï cursif à la gorge de l'impudent qui insulte sa famille, son seigneur et lui-même.

Yatarô malgré son jeune âge est un maître d'arme, exercé, entre autre dans l'art de l'attaque à la sortie du fourreau, le laïjutsu. On lui a enseigné à punir les insultes comme la condescendance d'une mort surprenante et rapide. Il en va de son honneur et donc de sa Vie.

Le Bushi, bien qu'impoli, n'est pas trop vieux. Il a le bon reflexe de ne pas rester en place et se laisse tomber en arrière. La lame rapide de Yatarô effleure le cou de l'homme au niveau des clavicules, laissant une saignée peu profonde. Elle vient ensuite se bloquer sur la lame du deuxième Bushi qui l'a aussi dégainée rapidement. Celui-çi regarde Yatarô avec un oeil dénué de tout sentiment.

"Pas de sang ici. Pas entre Bushi. Je suis Araï Kurobo. Je te mène à Uchisan, si tu range ce sabre."

Il reste dans cette position, empêchant la lame de Yatarô de continuer sa course. L'autre homme à terre, à porté une main à son cou. Son sang coule un peu, mais la blessure est bénine. Il est encore sous l'effet du choc.

Le bushi apprends à vivre, sa vie durant, dans un état permanent de "vigilance active" face à un danger potentiel ou déclaré. Il passe par une concentration intense mais sans objet (une notion difficile à comprendre intellectuellement) avant (menace), pendant (combat) et même après (contrôle) l'existence de ce danger. C'est la domination virtuelle et ininterrompue du danger jusqu'à sa disparition définitive.

On a enseigné à Yatarô qu'une lame Masatoshi qui reste trop lontemps nue fini par embraser le monde.
Le jeune homme attrape un mouchoir dans sa ceinture et essuie cérémonieusement la pointe sanglante. Il ramène ensuite posément la lame dans son saya.
Il jette un regard méprisant au garde blessé et crache d'un ton condescendant :

- Les chiens au chenil.

Puis il regarde sévèrement Kurobo, le salut d'un signe de la tête et avec un ton respectueux demande :

- Conduis moi je te prie.

Après avoir rangé son propre sabre, Kurobo s'inclina tout aussi respectueusement. Il invita le jeune bushi à le suivre, après qu'il eut récupéré son paquetage.
Kurobo gravit les deux marches de bois menant à l'entrée et en fit coulisser la porte. L'interieur avait tout d'une maison typique, sans doute dans une taille plus grande. Ils entrèrent dans un petit corridor, séparant deux salons de détente. Au bout de celui-çi, Kurobo s'engagea dans l'aile droite. Le couloir s'étendait sur plusieurs mêtres. Sur son coté gauche, des portes permettaient d'accêder à des chambres dont certaines étaient occupées par des bushi. Kurobo s'arrêta devant l'une d'elle. Elle était aussi petite que les autres et ne se composait que d'un petit mobilier: deux tapis de sol accollés aux deux murs opposés, une table de nuit unique en bois de cerisier sur laquelle se trouvait une chandelle. Une petite fenêtre donnait sur les jardins. La lumière de la lune innondait la pièce.

"Tu peux poser tes affaires ici. La chambre est libre. Tu y sera seul, pour l'instant.
Si tu as d'éventuelles questions à me poser, tu peux le faire maintenant..."

Le moine dit : "Là où je pose mon fardeau c'est ma maison"

Yatorô quitte ses sandales zori dans l'entrée de la maison et emboite le pas à Kurobo.
Il suit le bushi jusqu'à la petite pièce.
Il le salut à nouveau.

- Ce sera parfait. Je te remercie.

Il salut encore.

Le jeune homme dépose son imposant paquetage au milieu de la pièce. Il dénoue le sageo et retire de sa ceinture le katana dans son saya.
Il s'agenouille devant le grand sac et s'incline.
Il pose cérémonieusement le sabre devant le paquet. Il s'incline de nouveau mais jusqu'au sol.
Il prie.

Il se relève gracieusement les mains sur les genoux, le wakisashi toujours au coté. Il s'incline.
Il se dirige vers l'un des tapis de sol qu'il déplace pour le mettre sous le rayon de lune.
Il s'assoit en tailleur mains sur les cuisses, dos à la porte et face au jardin.
Il ne bouge plus.

Kurobo resta à l'entrée de la petite chambre, les bras croisés sur son torse, appuyé contre la chambranle.
Il resta là, muet, respenctant la prière et la médiation du jeune Yataro.
On lui avait appris la patience, et puisqu'il n'était pas missioné, il avait tout son temps. Lorsque le jeune garçon aurait fini, il l'ammènerai au Chef du Clan.

Le sage dit : "Le patient est un fil qui se tend"

Yatorô n'espérait pas être reçu si vite par le maître de séant. Il fut gêné de constater que Kurobo l'attendait.
Il s'incline à nouveau pour conclure sa prière et se relève d'un mouvement simple. Il se retourne vers Kurobo.
Il baisse la tête pour demander à son guide de l'excuser :

- Veillez me pardonner Kurobo-san. Je pensais que vous m'aviez demandé de me tenir dans cette chambre jusqu'à ce que le seigneur Kentarô accepte de me recevoir.

Le jeune homme, prit en faute, attend face à son aîné, les yeux vers le sol.

"Ce n'est rien, Yatarô-san."

Kurobo se dégagea de la porte et s'engagea de nouveau dans le couloir, s'enfonçant encore un peu plus dans l'aile droite. Au fond, il ouvrit une porte.

Les deux bushi se retrouvèrent dans la Salle de Réception du Chef de Clan.

Toujours confus, Yatarô emboite le pas de Kurobo dans la maison.

-> Salle de réception