Centre-ville

Le pas tranquille, Anotsu Kagehisa et Jinpachi Kurobo gagnèrent le centre-ville en trente minutes.
Le temple de Shitennoji attirait de nombreux pélerins. Kurobo ne manquait pas de lorgner parmis eux les plus jolies représentantes de la gente féminine. Les nuages ne semblaient pas vouloir tenir de réunion orageuse aujourd’hui, ils restaient à une bonne distance l’un de l’autre et n’opposaient aucun obstacle à la course des rayons du soleil.

Kurobo revint très vite aux cotés de son ami.

"Nan mais franchement, Kage. Tu crois que je me rend pas compte ? J'ai beau regarder toutes les femmes, ce n'est pas moi qu'elles regardent."

Il se plaça devant lui, marchant à reculons.

"Arrête de regarder la nature, tu devrais penser à toi un peu. Tu ne crois pas ?"

Kurobo s'arréta, forçant Kage à le regarder dans les yeux.

Arrêté au beau milieu de la rue par son compagnon qui lui faisait face, Kage haussa un sourcil répondit en souriant.

"Crois moi, là c'est toi qu'on regarde."

Il dépassa Kurobo et reprit sa marche en direction de l'atelier du maître-affûteur.

Après un soupire, Kurobo se replaça à hauteur de Kagehisa. Engagés dans la rue qui menait à l'atelier d'affûtage, les deux hommes croisèrent Ryuji Shimazaki et sa bande de vauriens. Kurobo fronça les sourcils mais sut garder son calme face aux regards goguenards des cinq complices qui s'éloignèrent en ricannant.

"Ils perdent rien pour attendre ces morveux. J'ai hâte de voir la tête de cet imbécile de Ryuji quand il verra son père te choisir comme successeur."

Anotsu adressa un léger sourire à son vieil ami et mit un pied sur le perron de l'atelier.

"Kage, je n'entre pas, j'ai à faire.

- Va, à bientôt Kurobo."

Kage entra dans une pièce unique, sombre. Seul la faible lueur d'un feu sur le point de s'éteindre permettait aux nombreuses lames appuyées sur les murs de reluire.

Le Maître Affuteur était assez vieux. Ses yeux constamment plissés, on aurait pu penser qu'il les gardait fermés. Cependant, il posait toujours délicatement ses lames sur le rouleau de pierre dont son pied actionnait inlassablement la manivelle. Le raclement du métal sur la pierre se ressentait jusque dans les narines de Kagehisa. Devant le vieil homme, un jeune bambin levait ses yeux curieux sur le nouveau client, toujours sans rien dire.

Kage connaissait, Ansu, le Maitre Affuteur. Ou plutôt, c'était le Maître Affuteur qui le connaissait: l'ayant vu grandir. Sans lever la tête de son travail, il lui adressa la parole.

"Et bien, Anotsu, entre... Tu viens sans doute chercher les deux sabres que tu m'as laissé."

Le vieil homme avait un léger accent dans la bouche, un chochotement qui prêtait à sourire.

"Shoji !"

Le garçon se leva d'un bon et couru directement à un endroit précis du mur. Après avoir décaler quelques sabres, il en pris deux dans ses bras, et vint, toujours en courant, les présenter à Kagehisa. Le vieil homme souria.

"Je crois qu'ils sont parfaits. Dignes d'un grand chef. Si jamais... Enfin, tu m'aura compris. On raconte beaucoup de choses dans le village..."

Anotsu saisit d’abord le katana, parcourut rapidement la lame des yeux, et la rengaina d’un geste vif et précis. Il empoigna ensuite cette étrange hache importée du népal et executa quelques moulinets. Satisfait, il entoura cette seconde lame d’une toile de coton qu’il mit en bandoulière. Adressant un sourire amical au maître-affûteur, Kage prononça ces quelques mots :

"Du travail admirable."

Il remit à Shoji les quelques ryô qu’il devait et tourna les talons, saluant Ansu d’un geste de la main alors qu’il s’éloignait pour sortir de l’atelier.

"A bientôt maître Ansu."

Le soleil déclinait et les rues étaient moins peuplées. Hâtant le pas, Kage voulait être rentré avant que ce nuage sombre l’ait rejoint.
Mais il était attendu, Ryuji est ses acolytes s’opposèrent à son passage alors qu’il franchissait l’angle de la rue…

Ils étaient au nombre de 4, Ryuji et ses sbires. Quatre à ricaner comme des cochons. Quatre à s'être disposé d'une telle manière que Kage ne pouvait continuer sa route, sans prendre le risque de bousculer l'épaule de l'un d'eux.

"Et bien Anotsu ! On a fait sa p'tite promenade ?"

Ryuji s'était approché à quelques centimètres de Kagehisa. Du bout de l'index, il s'était mis en tête de titiller la pointe de la hache enveloppée.

"Et on a fait quelques emplettes, en plus !"

Considérant les trois idiots devant lui, un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Il laissa Ryuji dans son dos et leva les yeux vers le nuage sombre qui se faisait toujours plus menaçant. Placide, le ton calme et assuré, il dit:

"Bonjour Ryuji. Je rentre chez moi, veux-tu faire un bout de chemin ?"

Ryuji stopa son geste, interloqué. L'attitude de Kage l'avait destabilisé. Ses lèvres s'agitèrent sans qu'aucun son n'en sorte: pris de court, il n'avait rien à rétorquer. Cependant, il était primordial pour lui de ne pas se laisser humilier devant ses amis...

"Ha !! Crois-tu sérieusement que je vais marcher avec toi ? Jamais je ne prendrai le même chemin que toi: il pue comme un cul de cochon à chaque fois que tu en emprunte un !"

Ses amis ricanèrent.

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